C’est un monde dont nous ne soupçonnons pas l’ampleur. Une population qui se compte en milliards, disséminée dans chaque recoin du globe. Des êtres minuscules, mais aux conséquences parfois dévastatrices pour la santé humaine. Nous parlons ici des moustiques, ces insectes omniprésents qui agacent, piquent, et parfois, transmettent des maladies graves comme la dengue ou le paludisme. Mais que diriez-vous si on vous apprenait que certains de ces moustiques ne sont pas tout à fait comme les autres ? Qu’ils ont été génétiquement modifiés pour combattre leur propre espèce ? C’est le pari fou de la compagnie britannique Oxitec, qui développe des moustiques OGM pour lutter contre la propagation des maladies. Pénétrons dans le monde fascinant et controversé des moustiques génétiquement modifiés.
Le principe des moustiques OGM
Avant de plonger dans le vif du sujet, il est important de comprendre ce qu’est un moustique OGM. Le terme OGM, pour organisme génétiquement modifié, désigne un être vivant dont le code génétique a été altéré par l’homme. Dans le cas des moustiques, cette modification génétique a un objectif bien précis : réduire la propagation des maladies transmises par ces insectes.
Oxitec, une entreprise britannique spécialisée dans la biotechnologie, a développé une technique permettant de modifier génétiquement l’espèce Aedes aegypti, plus connue sous le nom de moustique tigre. Ces moustiques transgéniques, une fois lâchés dans la nature, s’accouplent avec les femelles sauvages. Cependant, leur progéniture héritera d’un gène fatal qui la tuera avant qu’elle n’atteigne l’âge adulte. Ainsi, la population de moustiques diminue, réduisant par la même occasion le risque de transmission de maladies comme la dengue ou le paludisme.
Les résultats observés
Cela peut paraître surréaliste, mais ces moustiques génétiquement modifiés sont déjà parmi nous. En effet, Oxitec a déjà réalisé plusieurs lâchers de moustiques OGM dans le monde, notamment au Brésil et aux Etats-Unis, et les résultats sont plutôt encourageants.
Selon une étude réalisée en 2013 à Jacobina, une ville du Brésil, la population d’Aedes aegypti a diminué de 85% en seulement un an suite à la dissémination de moustiques OGM. Aux Etats-Unis, à Key West en Floride, une expérimentation similaire a permis de réduire la population de moustiques de 96% en six mois.
Il est important de noter que ces chiffres ne représentent qu’une partie des résultats obtenus par Oxitec. En effet, la compagnie affirme que ses moustiques OGM ont permis de réduire la transmission de la dengue de 90% à Piracicaba, une autre ville brésilienne.
Les enjeux environnementaux
Si les résultats de ces expérimentations sont encourageants, ils soulèvent cependant de nombreuses questions environnementales. Quel est l’impact des moustiques OGM sur l’écosystème ? Peuvent-ils perturber la chaîne alimentaire ? Quels sont les risques de disséminer des organismes génétiquement modifiés dans la nature ?
Dans un article publié en 2020, Christophe Noisette, rédacteur en chef du magazine Inf’OGM, soulève des interrogations pertinentes. Il rappelle notamment que les moustiques jouent un rôle essentiel dans la pollinisation et que leur disparition pourrait avoir des conséquences insoupçonnées sur l’environnement.
De plus, le principe du forçage génétique, qui consiste à favoriser la dissémination d’un gène spécifique dans une population, est source de préoccupations. En effet, cette technique pourrait être utilisée à des fins malveillantes et créer des organismes potentiellement dangereux.
La situation en France
En France, le moustique tigre est présent depuis 2004 et sa progression sur le territoire est constante. Selon le ministère de l’Agriculture, il est désormais présent dans 58 départements et est responsable de la transmission de plusieurs cas de dengue et de chikungunya.
Face à cette situation, l’utilisation des moustiques OGM pourrait être une solution envisagée. Cependant, aucun lâcher de moustiques génétiquement modifiés n’a pour l’instant été réalisé en France. La question reste donc ouverte et suscite de nombreux débats.
La folie des moustiques OGM est bel et bien lancée. À l’heure actuelle, les résultats obtenus par Oxitec sont prometteurs : une réduction sensible de la population de moustiques, et donc du risque de transmission de maladies graves. Cependant, la dissémination d’organismes génétiquement modifiés dans la nature soulève de nombreuses questions environnementales et éthiques. Comme souvent en science, l’enjeu est de trouver le juste équilibre entre le bénéfice pour la santé humaine et le respect de l’environnement. Les moustiques OGM seront-ils nos alliés de demain, ou auront-ils des conséquences insoupçonnées sur notre écosystème ? Seul l’avenir nous le dira.